À peine Maëlle partie, que je tombe nez à nez avec le premier GRiste de mon aventure. Et en plus, il fait le GR 34 dans le même sens que moi. Je vous présente Ronan, 26 ans, jeune homme plein d’énergie, ancien militaire. Je dois avouer que cela me fait drôlement plaisir de rencontrer un confrère. Il sait ce que cela signifie de marcher tous les jours sans exception. Sauf que lui, il enquille trente à quarante bornes par jour, une brute ! Il est ravi de me partager ses bons plans pour un sac à dos plus léger. Le sien pèse une douzaine de kilos, eau et nourriture comprises. Je sens que le gars a besoin de parler, et qu’il ressent la solitude. Il m’avoue ne pas avoir causé avec grand monde depuis le début de sa marche. Des bonjours par ci, des bonjours par là, mais rien de profond. Il ne dort ni à l’hôtel, ni chez l’habitant, mais dans sa tente. Il prend rarement des douches et se baigne quelques fois dans la mer. Il fait tout en mode brut, et rien que pour ça : respect mon gars ! Je lui demande s’il a des chants à me partager, c’est parti pour la Strasbourgeoise, un chant militaire.
À midi, on déjeune à Port Blanc. Des dizaines de touristes attendent leur bateau pour visiter l’île aux Moines. Pas le temps pour nous, on continue notre marche. Je mène la cadence d’un pas rapide. Ronan m’avoue avoir habituellement un rythme plus lent, mais plus régulier. C’est vrai que je marche vite, mais fais beaucoup d’arrêts que ce soit pour filmer, ou pour flâner. Lui, c’est une heure de marche, une pause clope de cinq minutes, et ça repart. Et ça, du matin jusqu’à la tombée de la nuit. Dans la forêt, on se pose contre un arbre. Les oiseaux nous offrent chanson sur chanson. C’est le meilleur opéra que j’ai pu entendre !
Vers 18h, nous arrivons à Larmor-Baden où j’ai prévu de dormir à l’hôtel du Parc (je ne refuse jamais une invitation). Ça m’embête de déjà le quitter. Je trouvais la compagnie de Ronan agréable. Et dire qu’il va encore marcher dix kilomètres de plus. C’est trois heures de marche ! Moi, je profite du lit douillet pour faire une sieste avant de faire la rencontre de Caroline, une artiste dessinatrice, avec qui nous allons à la pizzeria du coin. Le gérant me reconnaît, il a déjà lu mon livre Et si je traversais l’Atlantique en voilier. Incroyable ! Je me couche, mesurant la chance de ce voyage. Les rencontres se font aisément. Il suffit de sourire.



