Sullivan repart, moi je décide de rester chez Sandrine et Yves pour me reposer et travailler. Ils me prêtent leur ordinateur pour que je puisse décharger la carte mémoire de mon appareil photo, et retranscrire mes notes manuscrites.
Nul besoin d’aller à l’autre bout du monde pour se sentir dépaysé, il suffit parfois d’une simple quête. Pour moi, marcher sur la terre de mes ancêtres : la Bretagne. Aujourd’hui, cela fait trois semaines que je marche (cinq cents bornes au compteur), et je suis impressionné par la quantité d’émotions qu’on peut vivre en vingt petits jours : des bas, des hauts, mais surtout de sacrés hauts. C’est tellement puissant de se mettre en marche. Les rencontres ne se finissent pas, et je peux dire que la Bretagne me gâte. Je n’ai eu qu’à affronter la tempête Diego pendant deux jours. Autrement, j’ai eu un temps digne d’un été indien. Je bivouaque face à la mer, bercé par le vent, dors chez des Bretons accueillants, m’empiffre de kouign-amann et galettes bretonnes. Bref, je vis ma plus belle vie. C’est tellement riche (pas qu’en beurre salé). Et je ne parle même pas des paysages qui changent à chaque virage. Je ne pensais pas que la Bretagne était aussi variée, et je n’ai arpenté que le Morbihan ! Coup de cœur pour la presqu’île de Rhuys, la plage de la Mine d’Or, et…. En vrai, tout est beau quand on prend le temps de regarder. Je ne cherche pas l’exceptionnel, je cherche à vivre. Marcher est un remède à la monotonie, c’est une cure d’écran et d’informations, c’est un refus du tout maintenant — tout de suite. C’est un non à l’instantané. C’est apprécier le lent, c’est apprécier le temps.
À 17h, je pars direction Carnac. Il n’y a que trois kilomètres jusqu’au camping où je suis attendu pour donner une conférence en échange d’une nuit en bungalow. Je relâche la pression quand je découvre qu’il n’y a que deux personnes pour m’écouter. Le manager finit par ramener quelques campeurs. Pendant 1h30, je discute de mes précédentes aventures : le Sri Lanka en tuktuk, la traversée de la Réunion à pied, le tour de Corfou en kayak, le public est ravi, moi aussi. La soirée se poursuit au restaurant sous le signe de la convivialité. Les discussions s’aventurent même sur des sujets inattendus, dont une sur l’échangisme. Non merci ! Ahah. Il faudrait déjà que je sois en couple. Je leur parle de mon célibat et de mes déboires amoureux. Il y a quelques mois, j’avais osé déclarer mes sentiments à celle que je pensais pouvoir aimer fort longtemps. Sa réponse « Je ne sais pas » avait brisé tous mes rêves. Je suis un romantique désœuvré qui marche pour oublier. Je ne désespère pas de rencontrer un jour la bonne personne.