Philippe me dépose à Ambon, direction Surzur. Je me retrouve sur une ancienne voie de chemin de fer, transformée en voie verte. Plus plat n’est pas possible. Je longe ainsi champs et prairies, traverse de petits bosquets et… chut ! J’aperçois un chevreuil qui coupe le passage. Wouah ! C’est la première fois de ma vie que je tombe nez à nez sur un cervidé ! Bon, j’en ai déjà vu un écrasé en bord de route, mais est-ce que ça compte vraiment ? Je marche lentement, pesant chacun de mes pas, retenant ma respiration dans l’espoir de l’observer de plus près. Raté ! Il a disparu aussi vite qu’il est arrivé. Comme le soleil d’ailleurs. Des gouttes de pluie me rendent visite. J’entre dans Surzur et fais le plein de kouign-amann. Oui, j’ai décidé de tous les tester. Dans la boulangerie, une affiche pour les dons du sang m’interpelle. Pourquoi ne pas donner le mien ? Je suis jeune et en pleine forme, mon sang doit être bien oxygéné. Et pis, ça me fera une collation en récompense, me dis-je, petit malin que je suis. Je trouve les lieux du crime, un gymnase. Y a personne. Normal, j’ai une semaine d’avance. Pas si malin finalement..
Je poursuis vers Le Tour-Du-Parc et quitte le tracé officiel du GR 34 pour couper par une petite route au milieu des champs. Ni voiture, ni piéton, ni trottoir, ni rien d’ailleurs, je suis en pleine campagne. Ah si, voilà un vieil homme à vélo. Arrivé à mon niveau, je lui demande :
- C’est bien par là le Mont Saint-Michel ?
- Euh non, vous allez vers le sud là !
- Je fais un p’tit détour par la presqu’île de Rhuys.
- Vous n’avez pas fini si vous longez la mer…
- Oui, 2 100 kilomètres au total !
- Ah bah, bonne chance.
Et il repart aussi vite qu’il est arrivé. Ah, s’il savait ! Je suis au neuvième jour d’un voyage de trois mois. Je ne suis pas près d’arriver, mais j’en ai cure. C’est bon de goûter à l’ivresse d’un long voyage, le plaisir de ne pas être pressé. Je fais escale au pied d’une église abandonnée et déjeune sous son préau. La pluie, elle, ne prend pas de pause. Les oiseaux n’en ont que faire, ils chantent à tout va. Il n’y a que les humains pour se plaindre de quelques gouttes de pluie. Ne me reste plus qu’à traverser quelques marais et je débarque au Tour-du-Parc. J’attends que la pluie cesse en observant un ostréiculteur à bord de son chaland, un bateau à fond plat permettant le ramassage des huîtres. La presqu’île est entourée de bancs d’huîtres à perte de vue. En quelques minutes, les nuages sont balayés et c’est un ciel bleu qui s’offre à moi. Le paysage se métamorphose. L’eau s’éclaircit d’un bleu turquoise, les arbres éclatent d’un vert pur. Sur la place centrale se hisse l’église Saint-Vincent-Ferrier, la première église que je vois peinte tout de blanc. Ça change du gris granit.
En fin d’après-midi, je rejoins mon hôte Annie dans sa maison face à la mer. Elle est ravie de me rencontrer. Elle me confesse que sa vie n’est pas très palpitante. Je fais office d’attraction, et ce n’est pas pour me déplaire. Au coucher du soleil, je prends quelques photos sur la plage. Quand je rentre, impossible de mettre la main sur mon téléphone. Aïe, il est tombé de ma poche. J’appelle la famille à la rescousse pour m’aider à le chercher. Sable, rien. Vase, rien. Eau, rien. Herbe, rien. Il ne reste plus que la digue : de gros rochers qui s’entremêlent. Dans une fente entre deux, je l’aperçois finalement. Ouf.