Mes aisselles sentent la crêpe et le beurre salé, je crois que j’en ai trop abusé hier soir. Pour la première fois de mon voyage, je n’ai aucune motivation pour marcher, mais alors aucune. Je prendrais bien une vraie journée de pause.
- Reste autant de jours que tu veux, me lance Caroline.
Qu’est-ce qui m’en empêche ? Je me suis fixé un planning strict, avec les dates de passage dans les grandes villes. Mon père doit me rejoindre pour marcher sur la portion Brest — Landéda, il ne faut pas que je sois en retard. Marcher est devenu ma routine. Je ne veux pas briser le cycle que j’ai commencé, de peur de ne pas repartir. Mais bon, je sens que mes batteries sont à plat. Et pis, je me sens bien avec Caroline et Élisa qui m’accueillent dans leur maison comme si je faisais partie de la famille.
- Merci pour votre accueil. Je vais rester une nuit de plus si cela ne vous dérange pas, finis-je par leur dire.
Après une chasse aux œufs de Pâques dans le jardin, nous sommes partis à la ferme, rencontrer Julien, un autre grand voyageur : Mongolie à cheval, tour du monde à la voile, Europe en mobylette. Le bougre ne manque pas d’histoires fascinantes à raconter. Encore un signe qui me montre que j’ai bien fait de rester. Sur le retour, on s’arrête pour saluer Étienne, un ermite de 90 balais qui n’a jamais quitté son village. Le sol de sa cuisine est encore en terre, il vit à une autre époque, mais surtout, il vit seul chez lui, coupé du monde. Caroline passe de temps en temps lui dire bonjour afin de lui apporter de la compagnie. Elle m’explique que l’isolement et la solitude sont de vrais problèmes dans les campagnes bretonnes. Les personnes qui en souffrent sont moins actives. Elles subissent un déconditionnement à la fois sur le plan physique, mental et social, ce qui in fine augmente la mortalité. Ça m’attriste ces personnes âgées isolées qui n’ont plus personne autour d’eux. Où sont leurs familles ?