La nuit fut douce. Les douleurs au pied droit ont complètement disparu. C’est le pied gauche qui tire à présent. À croire que chaque jour, une nouvelle douleur apparaît. Surprise donc pour demain. Je suis accueilli par un petit déjeuner de champion. Je me gave de brioches que je trempe allègrement dans le chocolat chaud. Orange, banane et kiwi ne seront pas de refus. Ça change des matins habituels où je me contente de boire de l’eau de gourde avec quelques oléagineux.
La tempête est encore là. Les arbres oscillent violemment. Le bruit est envoûtant. J’admire toute cette flore danser au gré des bourrasques. Je rejoins rapidement la pointe de Merkel. Angela n’est pas là, mais un petit phare se tient au bout d’un quai envahi par les eaux. Les vagues cognent contre la jetée. L’eau étincelle dans des éclaircies qui subliment le spectacle. Au milieu d’épineux, une famille de lapins m’admire passer. Oui, je sais, je suis beau et courageux. Je suis le seul humain en ce jour de tempête. Après le petit Port de Kercabellec, je déjeune dans une cabane à livres sur la place de l’église Saint-Molf. Trempé je suis, sur le haricot la pluie me court. J’en ai ras la casquette. Je repars pour me réchauffer. Je traverse les marais salants du bassin de Mès. Comme pour me remercier de mon effort, les nuages se font la belle le temps d’une pause. Quelques sternes se font un festin, pendant que des échassiers blancs pataugent dans la mare à la recherche de crustacés. Un panneau m’apprend leur joli nom : ce sont des aigrettes garzettes. Pour m’en souvenir, je les imagine en train de lire la gazette. Elles sont faciles à reconnaître avec leurs pattes hautes et fines, et leur plumage blanc immaculé. Impossible de les confondre avec le héron cendré qui est plus grand et arbore un plumage gris.
Je marche jusqu’à la pointe de Pen-Bé, longe la plage de Pont-Mahé où des kitesurfeurs s’éclatent avec les éléments. Je lutte à contrevent pour avancer péniblement dans le sable. Des bourrasques viennent m’aveugler. Mais il y a pire que moi : un kitesurfeur, qui, voile à la main, les genoux dans l’eau, essaye de rentrer à terre. Il galère tellement qu’il me remonte le moral. La fin de journée approche. J’ai mangé mon dernier bout de chocolat, et mes mollets sont proches de la crampe. J’aimerais me faire inviter, mais je n’ai pas d’énergie pour faire du porte-à-porte. Je tombe par hasard sur le centre du Palandrin à Pénestin, un centre d’éducation qui accueille des scolaires. Je tente de me faire passer pour un enfant. À la réception, Marie est embêtée. Le centre est privatisé pour le week-end. Par contre, je peux prendre une douche chaude et poser ma tente au fond du jardin. Ce n’est pas de refus. Je rencontre Michel, l’homme à tout faire, qui me désigne l’emplacement pour mon bivouac. On discute, puis, pris de pitié (ou de sympathie) à mon égard, m’offre tout ce dont je peux rêver : un ami pour la soirée. En plus d’un dîner micro-ondé, il enchaîne imitation sur imitation, tours de magie et anecdotes de prestidigitateur. Comment ne pas apprécier ? J’ai un magicien pour moi tout seul. Je m’endors le sourire aux lèvres pensant à la magie de ce voyage. Nous ne sommes que le cinquième jour de mon aventure et je ne fais que de chouettes rencontres.